Les films entre documentaires et fictions, qui sont présentés accompagnés de textes présentateurs et d’affiches, et dont on peut visulaliser des extraits in situ, reviennent sur des moments clés de l’histoire palestinienne, entre autres ceux en lien avec la Tunisie. Ainsi, on peut y voir documentée l’arrivée des combattants palestiniens au port de Bizerte le 28 août 1982 et l’attaque par raid aérien de l’entité sioniste le 1er octobre 1985 de Hammam Chatt.
Une petite rétrospective sur l’histoire du cinéma palestinien est proposée cette année par les JCC dans le cadre de l’hommage rendu à ce pays et à cette nation qui subissent actuellement, et depuis 1948, les atrocités de l’occupation israélienne acceptée, appuyée et soutenue par les politiques internationales. Une exposition intitulée «Palestine, le labyrinthe d’une mémoire en résistance» y est dédiée depuis le début du festival, installée dans le Hall principal de la Cité de la culture. Ce cinéma a vu ses débuts en 1935 avec deux documentaires, l’un tourné à l’occasion de l’inauguration de l’école technique d’un orphelinat et l’autre tourné par Hassan Sarhan lors de la visite du roi Saoud en Palestine. Sarhan a, depuis, réalisé plusieurs autres films jusqu’à la Nakba de 1948, après laquelle il s’est réfugié en Jordanie. La cause palestinienne est devenue le principal sujet abordé et le cinéma n’était plus abordé seulement comme une forme d’art, mais aussi comme un outil nécessaire pour documenter surtout les affrontements en période de révoltes armées et d’intensification des opérations militaires. La crise des réfugiés ayant pris de l’importance, les camps et la question de l’asile sont aussi devenus des composantes essentielles du cinéma palestinien. Dans ce contexte, les cinéastes palestiniens se sont retrouvés soit dans les pays voisins comme la Jordanie, le Liban et la Syrie en tant que réfugiés, soit dans d’autres pays étrangers. Ils ne pouvaient donc plus produire de films, car ils avaient perdu leurs outils et leurs sociétés de production dans leur pays. En 1965, les mouvements de libération nationale ont marqué le début de la révolution palestinienne armée. Le cinéma de cette époque était alors nommé «cinéma de la révolution palestinienne». Un groupe de directeurs de la photographie et de réalisateurs a fondé la Palestine Film Unit, livrant une collection de films documentant le mouvement armé résistant à l’occupation et les souffrances de la diaspora palestinienne. C’est aussi l’année de la création, par le photographe et cinéaste Hani Jawharya, de l’Organisme de cinéma palestinien (OCP)avec pour objectif principal fondateur de mettre le cinéma tout entier au service de la révolution palestinienne.
Les coalitions révolutionnaires et politiques en Palestine ont aussi créé leurs unités médiatiques et cinématographiques pour produire du cinéma révolutionnaire. Le Front populaire, le Commandement général et le Front démocratique ont produit des dizaines de films, en particulier dans les années 1970 et 1980. La liste de ces films comprend «No to a Peaceful Solution», produit par Mustafa Abu Ali, Salah Abu Hanoud, Hani Jowharieh et Sulafa Jadallah en 1968, ainsi que « With Soul, With Blood » de 1971 par Mustafa Abu Ali, qui a été surnommé le fondateur du cinéma révolutionnaire palestinien. Certains cinéastes étaient néanmoins convaincus qu’un autre langage cinématographique était peut-être plus influent et universellement accessible. Un langage, parfois exempt de sang et de balles. Ainsi, le cinéma palestinien a évolué vers un cinéma philosophique et intellectuel.
Ainsi, depuis les années 80 et les premiers films de Michel Khleifi, entre autres « Noce en Galilée », les cinéastes ont commencé à exposer leur point de vue sur leur société, une approche introspective qui, plaçant la stratégie coloniale des sionistes en filigrane, montre comment celle-ci utilise les failles de la société palestinienne pour mieux la déstructurer et en accélérer l’effacement. Tout en continuant d’explorer les ressources inépuisables du documentaire, c’est à travers la fiction qu’ils ont choisi de mettre en scène la réalité qu’on ne peut ou ne veut pas voir. Les années 90 voient la création d’un grand nombre de films palestiniens tournés par des cinéastes qui ont grandi sous l’occupation sioniste en Cisjordanie, à Gaza ou dans les camps de réfugiés. Les premières œuvres de Rashid Masharawi et d’Elia Suleiman par exemple ont donné une nouvelle visibilité aux Palestiniens. C’est sur d’importants chapitres de cette histoire que revient l’exposition « Palestine, le labyrinthe d’une mémoire en résistance ». Elle prend la forme d’un labyrinthe dans une scénographie qui, notent ses organisateurs, trouble les sens du visiteur et recrée l’état d’urgence permanent qui hante la Palestine. Un dédale dans lequel les murs portent les cicatrices d’un siège colonial qui se prolonge atteignant son paroxysme à Gaza particulièrement avec le génocide en cours. Les films entre documentaires et fictions, qui sont présentés accompagnés de textes présentateurs et d’affiches, et dont on peut visualiser des extraits in situ, reviennent sur des moments clés de l’histoire palestinienne, entre autres ceux en lien avec la Tunisie. Ainsi, on peut y voir documentée l’arrivée des combattants palestiniens au port de Bizerte le 28 août 1982 et l’attaque par raid aérien de l’entité sioniste le 1er octobre 1985 de Hammam Chatt. L’exposition rend aussi hommage à travers des archives de films et des documents audiovisuels aux « martyrs de l’image », ceux qui ont sacrifié leur vie pour transmettre la vérité. Il est question aussi d’extraits d’œuvres essentielles du cinéma palestinien ayant remporté des Tanits d’or ou marqué les précédentes éditions des JCC, à l’instar de « Kafer Kassem » de Borhane Alaouié, lauréat en 1974, « Maâloul fête sa destruction » et « Noce de Galilée » de Michel Khleifi primé en 1988, ainsi que « The wanted » d’Ahmed Shomali primé en 2015 et « Little Palestine » d’Abdallah Al Khateb en 2021.
On peut trouver aussi les films « They do not exist » et « Palestine in the eye » de Mustapha Abou Ali. Ce dernier, qui est un court métrage réalisé en 1977, relate l’impact profond de la mort du photographe martyr Hani Jawharia au sein de l’unité cinématographique de l’OLP et revient sur sa vie à travers des témoignages de sa famille, de ses propres images, y compris le moment de sa mort lors d’un tournage pour l’unité en 1976.